Quelques jours de pluie, mi-août, ont suffi pour que les habitants de plusieurs quartiers de Dakar se retrouvent les pieds dans l’eau. Fatoumata Camara habite à Rufisque, dans la cité Serigne-Mansour. Les meubles de sa maison reposent sur des briques, au-dessus de l’eau qui a gagné les pièces jusqu’à hauteur de chevilles. « Tout est gâté, on n’a plus de sanitaires, la chambre parentale est inondée… On est trop fatigués », se plaint la mère de famille. Outre Rufisque, les communes de Parcelles assainies, Mbao et Keur Massar sont également touchées.
Au plus grand agacement de dizaines de milliers d’habitants, ce scénario se répète chaque année au moment de l’hivernage, la saison des pluies qui s’étend de juillet à septembre au Sénégal. Malgré les initiatives de l’Etat, les sinistrés se débrouillent comme ils le peuvent. Omar Diop cherche de l’argent pour louer une motopompe qui pourrait aspirer l’eau stagnant dans plusieurs pièces de sa maison. « Mais ça coûte 100 000 francs CFA, je n’ai pas les moyens », regrette-t-il.
En urgence, les sapeurs-pompiers se mobilisent les jours de pluie. Insuffisant. « La Direction de la prévention et de la gestion des inondations [DGPI] a prévu d’installer des tuyaux souples pour évacuer partiellement les eaux pluviales vers les canaux de l’autoroute, mais les travaux ont plusieurs mois de retard », explique Clément Michel Ntab, chef de quartier de la cité Serigne-Mansour. Il souhaite surtout que des travaux structurels règlent définitivement le problème : « Nous demandons à l’Etat de nous aider à installer des canalisations. »
Un programme décennal
Les autorités ne restent pas inactives. Dans la foulée de son élection à la présidence, en 2012, Macky Sall a ainsi lancé le Programme décennal de gestion des inondations (PDGI), une stratégie nationale et prioritaire mise en œuvre par différents ministères et agences d’Etat. Neuf ans plus tard, plus de 511 milliards de francs CFA ont été dépensés dans ce cadre, selon le ministre des finances et du budget, Abdoulaye Daouda Diallo.
« Au début, l’autoroute à péage était bloquée par les pluies, et des quartiers comme Mariste ou Ouest Foire étaient inondés. Ce n’est plus le cas maintenant », assure Pedre Sy, directeur d’exploitation de l’Office national de l’assainissement du Sénégal (ONAS). En effet, l’installation de canaux de drainage et de 43 stations de pompage des eaux de pluie à Dakar et dans sa banlieue a permis d’améliorer la situation. Mais pas de résoudre totalement le problème.
Ainsi, à Keur Massar, la nappe phréatique n’est pas loin de la surface du sol. Là, la deuxième phase du Projet de gestion des eaux pluviales et d’adaptation au changement climatique (Progep, l’une des composantes du DGPI) est en cours. Suite aux fortes inondations de septembre 2020, Macky Sall a promis 30 milliards de francs CFA supplémentaires pour ce projet.
Répondant aux mêmes urgences, le chef de l’Etat avait aussi promis un budget exceptionnel d’urgence de 10 milliards de francs CFA au niveau national. Un peu plus d’un tiers de cette somme est arrivée en appui direct aux populations sinistrées. Le reste a été investi dans l’accompagnement des sapeurs-pompiers, de l’ONAS et dans l’achat de matériel supplémentaire pour l’évacuation des eaux de pluie.
Des progrès insuffisants
« Il y a eu des améliorations, certes, mais les résultats attendus n’ont pas été au rendez-vous », constate Babacar Mbaye Ngaraf, président de la Synergie des acteurs pour l’assainissement de la banlieue (Saaba) : « Quelques canaux ont été creusés, des stations de pompage et des bassins de rétention ont été installés pour éviter la stagnation des eaux, mais nous aurions pu largement dépasser ces résultats au vu des sommes investies. »
Ainsi, les réseaux d’évacuation des eaux usées ne sont pas dimensionnés pour résister aux fortes précipitations. « Ils récupèrent aussi les eaux des pluies, cela double le flux et crée des bouchons qui débordent dans les rues, reconnaît Pedre Sy, de l’ONAS. Dakar n’est pas encore couverte par un réseau d’évacuation d’eau pluviale, notamment parce que la population augmente et que les zones nouvellement habitées ont besoin d’assainissement. Ce n’est pas possible d’être totalement à l’abri des inondations, mais il faut davantage d’ouvrages. »
Y.Ndong - Diogane Actu
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