Face à l’engorgement des laboratoires, l’Institut Pasteur de Dakar a produit 1 million de kits de dépistage, dont 50 000 ont déjà été livrés au ministère de la santé.
La bouche couverte par son masque, une jeune femme arrive au centre de santé Philippe-Maguilen-Senghor du quartier Yoff, à Dakar. Mal de tête, perte de l’odorat, fatigue… Le 22 juillet, elle a fait un test PCR de dépistage du Covid-19 après avoir remarqué des symptômes suspects. Quinze jours plus tard, elle vient se plaindre de ne toujours pas avoir reçu le résultat. « Les laboratoires et les centres de santé sont débordés, le mieux est d’attendre et de vous isoler pour ne contaminer personne », lui répond Sophie Guèye, infirmière chargée des prélèvements nasaux.
Les délais pour avoir les résultats des tests s’allongent depuis le début de la troisième vague au Sénégal. Entre juin et juillet, les cas ont été multipliés par neuf et le nombre de décès a augmenté de 68 % entre le 23 juillet et le 6 août, selon Alioune Badara Ly, directeur du Centre des opérations d’urgence sanitaire. L’inquiétude croît parmi les Sénégalais, qui veulent savoir au plus vite s’ils sont positifs ou pas. « La peur est aussi là car les gens savent que les hôpitaux commencent à être saturés », ajoute le docteur Abdou Karim Diop, médecin chef du district de Dakar-Ouest.
Sous une bâche installée devant le centre de santé de Yoff, entre 200 et 300 personnes font la queue tous les matins pour se faire tester, contre une dizaine de patients quelques semaines plus tôt. « Arrivé à 7 heures du matin, je suis sorti de l’hôpital près de cinq heures plus tard », témoigne Fallou, qui développe des symptômes suspects depuis plusieurs jours. « Je redoute que le résultat tarde à venir, car j’en ai besoin pour mon employeur », continue le technicien en climatisation.
Des tests gratuits
La réponse à cet engorgement pourrait être l’utilisation en masse de tests de diagnostic rapide (TDR). Une stratégie plus facile à mettre en œuvre depuis l’autorisation sur le marché, le 31 juillet, des kits produits par l’Institut Pasteur de Dakar et vendus à un prix accessible de 1 525 francs CFA au ministère de la santé.
« Cette initiative est à but non lucratif. Nous vendons les tests à prix coûtant, car les rendre disponibles de façon décentralisée est primordial pour réussir à désengorger les laboratoires et à contrôler l’épidémie en identifiant efficacement les cas positifs », explique le virologue Amadou Sall, directeur de l’institut et spécialiste des maladies émergentes. Pour le moment, 50 000 tests rapides ont été livrés au ministère de la santé, qui se charge ensuite de les répartir dans les différentes structures de santé.
Une étape importante saluée dimanche 8 août par le ministre de la santé, Abdoulaye Diouf Sarr, qui estime que cela va « renforcer la détection au niveau des structures de santé ». Lors du point de presse quotidien sur le Covid-19, le ministre a rappelé que ces tests rapides sont gratuits dans toutes les structures, publiques comme privées, et sont désormais disponibles sur l’ensemble du territoire.
Deux cartons de ce nouveau matériel reçu la veille sont précieusement stockés dans le bureau d’Abdou Karim Diop au centre de santé Philippe-Maguilen-Senghor. « Avec un diagnostic obtenu en moins de quinze minutes, nous allons prendre en charge rapidement les patients, qui pourront s’isoler et prendre un traitement sans attendre plusieurs jours le résultat d’un PCR », explique le médecin chef.
Bientôt en pharmacie
Un soulagement pour Sophie Guèye, épuisée d’effectuer des centaines de prélèvements nasaux quotidiens derrière les paravents blancs installés dans un couloir extérieur du centre de santé. « Quand le matériel est disponible, on fait un test rapide pour les patients qui ont des symptômes depuis cinq jours », explique l’infirmière. Elle précise que les premiers TDR produits à l’étranger et reçus en mars avaient été rapidement épuisés. Elle espère désormais recevoir rapidement de nouvelles dotations produites au Sénégal.
Un million de tests ont déjà été produits par DiaTropix, indique l’Institut Pasteur, qui est à l’origine de la création, en 2018, de cette plateforme destinée à fournir au continent africain du matériel pour le diagnostic et la surveillance des maladies tropicales négligées, aux côtés de la Fondation Mérieux, de la Foundation for Innovative New Diagnostics (FIND) et de l’Institut de recherche pour le développement (IRD). L’objectif est maintenant d’en produire 4 millions d’ici à la fin de l’année.
« Le ministère de la santé prévoit de faire une plus grande commande, mais aussi d’en acquérir pour en mettre à disposition dans le système privé. Nous travaillons aussi pour les rendre disponibles dans les pharmacies à partir de septembre », anticipe Amadou Sall. Le directeur de l’institut ajoute qu’un accord sur la fourniture de TDR a été passé avec les pays de l’Organisation ouest-africaine de la santé, dans l’espoir de maîtriser la chaîne de transmission et d’endiguer la pandémie à l’échelle du continent.
Y.Ndong - Diogane Actu
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