L'histoire entre Aliou Cissé et le Sénégal est une vraie romance. Et comme toutes les histoires d'amour, la sienne est faite de haut et de bas. Arrivé à la tête des Lions de la Teranga en 2015 pour succéder à Alain Giresse, Aliou Cissé a immédiatement incarné une nouvelle idéologie du continent africain : l'entraîneur local. «Il arrive dans un contexte particulier car il n'avait même pas d'expérience en tant qu'entraineur principal à ce moment-là. C'était une première pour nous, mais ça se justifiait car on sortait de nombreux échecs. De façon globale, la population en avait marre de donner notre sélection à des entraineurs étrangers sans ramener de plus-value. Quitte à échouer, autant que ce soit avec quelqu'un de chez nous », se rappelle Babacar Ndaw rédacteur en chef de emedia Sénégal. Et après une CAN 2017 intéressante (sorti 1er de son groupe, le Sénégal avait été éliminé en quart de finale aux tirs au but par le futur vainqueur camerounais, ndlr), il avait parfaitement su gérer les qualifications au Mondial 2018 pour permettre à son équipe de retrouver une place en Coupe du monde.
De quoi conforter son statut d'entraîneur en devenir. Mais très vite, le peuple sénégalais a exigé plus que des résultats. Avec très certainement l'effectif le plus qualitatif du continent, les supporters attendaient beaucoup mieux d'une sélection qui ne semblait pas capable de dérouler son football et de réellement dominer ses adversaires. Mais pour faire taire les critiques, l'ancien international sénégalais avait toujours le résultat pour lui. «Ce qui manquait, c'était quelqu'un qui pouvait amener de la discipline et redresser un peu la barre pour mettre de l'ordre. Et ça, ça vient avant la tactique.
Aliou Cissé avait ce profil-là et plusieurs personnes étaient d'ailleurs pour son arrivée. Il a fait ce qu'on attendait de lui selon moi. Il a écarté les joueurs qui auraient pu contester son autorité, il a pris des décisions fortes même si on a vu ses limites tactiques. L'équipe s'est remise dans le bon sens», poursuit Babacar Ndaw.
Après la Coupe du monde où son équipe n'a pas réussi à passer les phases de groupe malgré une génération talentueuse, Aliou Cissé a encore amené ses hommes en finale de la CAN 2019 sans pour autant dérouler lors de la compétition. Un exploit tant le Sénégal, malgré des générations brillantes, n'a jamais su peser sur le football africain (0 CAN). Cela peut aussi s'apparenter à une formalité tant l'effectif actuel du Sénégal était ce qui se faisait de mieux (Mané, Gueye, Koulibaly, Mendy...).
L'attaquant de Liverpool arrivait d'ailleurs très souvent à masquer certaines failles collectives de son équipe. Mais cette fois encore, les Lions de la Teranga échoueront en finale face à l'Algérie et repartiront sans le moindre trophée. Et cette défaite dans la dernière ligne droite a encore considérablement fragilisé le poste de Cissé auprès des supporters. Moins auprès de la fédération sénégalaise qui l'a conforté par la suite et qui tenait surtout à garder son entraîneur local.
«On a pu sentir que sur certains matchs, il avait des lacunes. On se demandait s'il n'avait pas atteint ses limites surtout après la défaite en 2017 où on a senti qu'il avait été battu par Hugo Broos tactiquement. C'était pareil à la Coupe du monde avec l'histoire des cartons jaunes où on a regretté son manque d'expérience. Mais l'expérience ça s'acquiert en avançant. Il a commencé à gagner en maturité», détaille Babacar Ndaw.
Il a toujours fait l'unanimité dans le vestiaire
La suite a été délicate pour le capitaine de la belle épopée sénégalaise en 2002. Après cette CAN 2019, nombreux s'attendaient à son départ encore plus après les prestations très moyennes de son équipe contre des adversaires nettement plus faibles. Là encore, le talent d'un Mané, d'un Sarr permettait à son équipe de toujours éviter la défaite que ce soit lors des qualifications à la CAN ou celle des qualifications au Mondial 2022.
Car sans briller, le Sénégal s'est qualifié pour les barrages qui se dérouleront en mars prochain (contre l'Egypte également). Et ce succès constant a même fini par donner de l'espoir aux supporters qui ont fini par délaisser leur combat pour le beau jeu. Lors de cette CAN 2021, les Sénégalais n'ont encore une fois pas réellement brillé, au contraire.
Après notamment deux tristes 0-0 en phase de poules, ils ont lutté pour dominer une équipe du Cap-Vert en infériorité numérique lors des huitièmes. En quarts de finale, ils ont montré du mieux tout comme face au Burkina Faso lors des demi-finales. Et c'est peut-être ce qui impressionne. Malgré toutes les critiques et remarques, Aliou Cissé tient bon, toujours. Et il suscite même l'admiration de ses collègues entraîneurs. « Je voulais rendre hommage à Aliou Cissé, un devancier dans le cercle très fermé des techniciens africains. Il mène un combat que je soutiens.
Il faut que les dirigeants africains fassent confiance aux techniciens locaux », expliquait même Kamou Malo, sélectionneur du Burkina Faso après la demi-finale. «S'il ne gagne pas ce dimanche, ça va être difficile. Car à part l'Algérie, aucune équipe n'a un effectif aussi talentueux et expérimenté sur les trois dernières CAN. Mais par contre, humainement, il sait encaisser. Malgré les critiques, il n'a jamais semblé être touché ou quoi. Il est très fort sur le point mental», ajoute Babacar Ndaw.
Aliou Cissé n'a pas fait l'unanimité qu'auprès des autres sélectionneurs, il a aussi gagné le respect de ses joueurs et de son groupe. C'est sans doute ce qui fait la force de son équipe : le collectif. Tous admirent et respectent le travail de leur sélectionneur. «Je crois que cet homme le mérite parce qu'il est l'entraîneur le plus critiqué que je n’ai jamais vu de ma vie, mais il n’abandonne jamais. Il se fait confiance et il fait confiance au groupe. Il y a des critiques à l'extérieur, mais ici, il fait son travail.
Nous aimerions gagner pour notre pays et pour lui, car il le mérite après tout ce qu'il a traversé en tant que joueur et maintenant en tant qu'entraîneur», soulignait la grande star de cette équipe Mané à la BBC après la victoire face au Burkina Faso. Une pensée partagée par Abdou Diallo qui mettait l'accent sur le groupe forgé par Cissé. «L'atmosphère est très bonne. Honnêtement, je n'ai jamais vu un groupe comme ça. Cela fait quelques années que je suis professionnel et c'est le meilleur groupe que j'ai connu.
On est comme une famille et on espère décrocher quelque chose ensemble, ce serait beau de terminer en beauté.» Preuve encore une fois que malgré les critiques et les difficultés dans le choix, Aliou Cissé a fédéré un vrai groupe capable d'enfin offrir un trophée au peuple sénégalais. Après la finale perdue en 2019, les Lions de la Teranga s'attaquent au géant du continent africain, l'Egypte, l'équipe aux 7 CAN. Mais avec Aliou Cissé, tout est possible.
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